Comment une PME peut-elle parvenir à travailler durablement avec d’autres PME pour se développer l’international ? Jean-Christophe Gessler, maître de conférences à l’IAE de Poitiers et auteur d’une thèse de doctorat sur ce sujet, présente les principaux facteurs de succès.
Les facteurs généraux
1. Miser sur la complémentarité
L’exportation collaborative sera d’autant plus intéressante qu’elle associera des entreprises complémentaires en termes de produits. Pour mener des actions communes à l’export, les PME doivent être suffisamment proches, avoir les mêmes types de clients à adresser, mais leurs gammes ne doivent pas se chevaucher – ou alors uniquement à la marge. En termes de marchés servis, l’idéal est aussi que les entreprises soient complémentaires, chacune pouvant amener ses distributeurs et contacts sur les marchés qu’elle connaît.
2. Se donner du temps
Ce n’est pas parce que l’on décide de travailler avec d’autres entreprises que les retombées en termes de ventes ou de contrats à l’international vont être immédiates. Il paraît raisonnable d’attendre deux à trois ans avant d’avoir vraiment une visibilité sur les retours obtenus grâce à l’exportation collaborative en termes de ventes et de présence pérenne sur les marchés étrangers.
3. Multiplier les interactions
Il faut échanger souvent avec les personnes avec lesquelles on aborde l’international et créer des routines qui favorisent ce processus. Quand on se connaît mieux, les échanges d’informations sont plus fluides et les opportunités plus naturellement transmissibles d’un partenaire à l’autre.
4. Identifier et sélectionner des partenaires fiables
Choisir des partenaires fiables est bien sûr un facteur de succès, mais ce n’est pas toujours évident. Connaître ses partenaires ou, mieux, avoir déjà travaillé avec eux facilite à l’évidence la collaboration ; on peut également se renseigner sur eux au préalable.
5. Favoriser l’instauration de la confiance
Quand on ne connaît pas ses partenaires, il existe des moyens pour favoriser l’instauration de la confiance dans la relation, par exemple en s’accordant des moments informels qui permettent de s’observer et se jauger, ou en testant leur loyauté sur des sujets de faible enjeu. Mais si malgré la bonne volonté initiale la collaboration ne fonctionne pas, mieux vaut interrompre la relation et chercher d’autres partenaires.
6. Jouer le jeu, être flexible et jouer fairplay
Pour que la collaboration fonctionne, il faut soi-même être fairplay, consacrer du temps aux relations, se rendre disponible et flexible lorsqu’un partenaire demande un service. Il faut parfois aussi accepter des décisions et arbitrages qui ne sont pas toujours agréables, comme par exemple l’arrêt de relations commerciales avec un distributeur existant.
Dans certains groupements d’exportateurs qui se financent par un pourcentage des ventes réalisées, il existe souvent un phénomène de “passager clandestin” : un mauvais payeur, un payeur tardif, ou un membre qui ne déclare pas toutes les ventes qu’il réalise. Il faut alors le rappeler à l’ordre et au besoin l’écarter, sinon son comportement s’étendra aux autres et le groupement ne pourra pas continuer faute de financement.
7. Accepter l’instabilité
L’exportation collaborative consiste à faire un bout de chemin ensemble et à prendre un peu de risque pour mener des actions communes que l’on n’accomplirait pas forcément tout seul. Et cette relation sera toujours marquée par l’instabilité parce qu’une entreprise peut être rachetée, transmise, faire faillite, elle peut aussi se diversifier et se mettre à fabriquer elle-même le produit qui l’intéressait chez son partenaire. Il ne faut donc pas se projeter à quinze ans, mais plutôt accepter que le périmètre puisse être évolutif.
8. Accepter un ROI difficilement évaluable
Il n’est pas facile d’évaluer financièrement les retours de ses pratiques collaboratives avec des pairs. Il est en effet difficile d’isoler le chiffre d’affaires dégagé spécifiquement grâce au fait d’être à plusieurs, d’avoir échangé et d’être monté en compétences grâce à ses partenaires. Il faut donc voir l’export collaboratif comme une dynamique et s’inscrire dans ce processus constructif plutôt qu’en attendre des retours spécifiquement mesurables.
Pour un groupement d’exportateurs
1. Identifier un leader, un fédérateur
Il faut, au sein du groupement d’exportateurs, quelqu’un qui saura notamment rappeler, en cas de tangage, que les partenaires ont fait un choix et doivent persévérer.
2. Recourir à un animateur ou une animatrice
Il est la plupart du temps utile de recourir à un animateur ou à une animatrice, dont le rôle est à la fois complexe et primordial dans l’alchimie qui fera réussir un groupement. Il ou elle doit mettre en place des routines, rappeler les règles de fonctionnement, arrondir les angles, aller chercher ceux qui parfois ne s’investissent pas assez, rappeler à l’ordre ceux qui pourraient se comporter en passager clandestin, etc. C’est souvent le ciment du groupement, d’où un risque lors de son départ éventuel. Il est aussi important de garantir l’indépendance et la neutralité de l’animateur. Celui-ci ne doit pas, par exemple, être hébergé chez l’un des partenaires.
3. Plafonner le nombre de membres
Huit à dix membres semble un chiffre maximum pour un groupement d’exportateurs. Il est en effet difficile de faire travailler ensemble des dirigeants déjà surbookés et souvent plutôt individualistes.
4. Instaurer des règles de gouvernance claires
Qui a le droit d’entrer dans le groupement ? Quelles sont les règles de fonctionnement ? Quelles sont les attentes ? Quel est le financement ? Sous quelles conditions peut-on sortir du groupement ? Etc. Les règles de gouvernance doivent être bien définies.
5. Favoriser l’identité commune
Se doter d’un nom et d’un logo communs favorise à la fois la visibilité et le sentiment d’appartenance au groupement.
6. Créer des rituels
Se retrouver, tous les trimestres ou tous les semestres, passer du temps ensemble, dans un cadre agréable un peu informel, permet également de faciliter la collaboration.