Qu’entend-on exactement par « géopolitique » ?
Il existe de nombreuses définitions de la géopolitique. Selon le spécialiste français Yves Lacoste, c’est « l’étude des rapports de pouvoir et des représentations sur un territoire ». Cette définition très large ne réduit pas la géopolitique aux relations internationales et ne considère pas les Etats comme les seuls acteurs de la géopolitique – il y a aussi les entreprises, les ONG, les activistes,etc. Outre les rapports de pouvoir, la géopolitique inclut les représentations des acteurs qui jouent également un rôle important sur les équilibres existants. Enfin, elle renvoie à la notion de territoire plutôt que d’Etat car il existe plusieurs endroits du monde où les frontières ne sont pas stabilisées et d’autres où les territoires s’étendent au-delà des frontières, comme le Kurdistan.
Quel est l’enjeu pour les entreprises ?
L’enjeu est de savoir intégrer la dimension géopolitique dans la vision stratégique des entreprise… Et même de créer un réflexe sur ces questions dans toutes les fonctions de l’entreprise qui peuvent être impactées par la géopolitique, y compris le marketing et la communication.
Toutes les entreprises présentes à l’international doivent intégrer ce qu’on appelle le risque pays ou le risque politique : elles savent que les décisions des Etats ont un impact sur leurs activités et leur capacité à investir et à croître dans les pays où elles sont implantées. Ce qui est moins évident c’est que l’entreprise ne fait pas que subir la géopolitique, elle-même impacte aussi les territoires par ses décisions. L’entreprise est un acteur géopolitique à part entière.
Comment intégrer cette dimension géopolitique ?
Il faut sortir de la vision classique des entreprises avec les fournisseurs d’un côté et les clients de l’autre. L’écosystème des entreprises intègre également les actionnaires, les salariés de même que toutes les parties prenantes : gouvernements, opinions publiques, ONG, médias, activistes,etc. La géopolitique consiste à comprendre comment tous ces acteurs interagissent sur le territoire.
Il s’agit en particulier de s’interroger sur la rupture d’équilibres existants que pourraient entraîner les décisions de certaines grandes entreprises. L’exemple de Lancôme (L’Oréal) à Hongkong est à ce titre très éclairant : le choix comme égérie d’une jeune chanteuse pop connue pour ses prises de position contraires à celles du gouvernement chinois a entraîné une menace de boycott en Chine – ce qui a amené la marque à revenir sur son choix – puis un mouvement de protestation à Hongkong, qui a entamé sa réputation et son chiffre d’affaires.
Comment analyser une situation de façon géopolitique ?
La finalité de l’analyse géopolitique est de comprendre le système autour du territoire qui nous intéresse. On établit une cartographie des acteurs en présence, on établit des liens entre les acteurs et les phénomènes observés… On essaie de représenter la complexité des interactions dans un schéma afin de voir, si un acteur change d’avis, ce que cela change sur l’ensemble de la chaîne de dépendance et donc sur l’environnement immédiat de l’entreprise.
Il s’agit d’une pensée complexe et systémique, d’une vision très pluridisciplinaire intégrant géographie, histoire, économie, institutions politiques, démographique. C’est aussi une pensée multiscalaire, avec une vision en strates (micro – méso – macro), intégrant différents lieux et plusieurs niveaux d’observation géographique (par exemple, local, national et international).