UE-Mercosur
Accord UE-Mercosur : analyse des enjeux et des perspectives
Le projet d’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur est un sujet d’actualité majeur, suscitant de vifs débats et controverses. Ce webinaire vise à dépasser les simplifications politiques en examinant en profondeur le contenu de l’accord, ses principaux enjeux économiques et environnementaux, et les potentielles implications pour les différents acteurs concernés.
Contexte et historique de l’accord
Les négociations pour cet accord ont débuté en 1999 et ont connu des interruptions avant de reprendre en 2016. Bien que la Commission européenne ait conclu l’accord, son approbation finale requiert l’aval du Parlement européen et des États membres, laissant ainsi une marge pour des discussions et des ajustements.
Présentation des Parties : UE et Mercosur
- Union Européenne (UE) : union douanière composée de 27 pays, avec une population d’environ 451 millions d’habitants et un PIB d’environ 17 000 milliards de dollars.
- Mercosur : marché commun sud-américain regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, avec la Bolivie ayant rejoint le groupe en 2024. Le Venezuela a été exclu pour des raisons politiques. Le Mercosur compte 278 millions d’habitants et un PIB d’environ 2 700 milliards de dollars.
Analyse économique théorique : le modèle de gravité
Selon la théorie économique, le potentiel commercial entre l’UE et le Mercosur dépend de plusieurs facteurs :
- Taille des économies (PIB) : plus les économies sont importantes, plus le potentiel commercial est élevé.
- Coûts à l’échange : la distance géographique, les droits de douane et les mesures non tarifaires (MNT) influencent les échanges.
- Facteurs facilitant les échanges : relations historiques, langue commune (espagnol et portugais) entre certaines parties de l’Europe et du Mercosur.
- Défis : la disparité des PIB entre les deux zones pourrait limiter le potentiel commercial.
Impact commercial attendu
L’accord devrait entraîner une augmentation du commerce, mais avec modération en raison de la distance. La suppression des droits de douane élevés dans le Mercosur, notamment dans le secteur automobile (30 %), pourrait avoir un impact significatif sur les produits industriels.
Opinion publique et réticences
L’opinion publique française se montre réticente face aux accords de libre-échange. Un sondage de 2024 révèle que seulement 34 % des Français perçoivent la mondialisation comme bénéfique, contre 60 % au niveau mondial. Cette réticence influence le débat politique et la perception des accords commerciaux.
Structure des échanges commerciaux actuels
- Exportations de l’UE vers le Mercosur : principalement des produits manufacturés.
- Exportations du Mercosur vers l’UE : composées de produits agroalimentaires (40 à 50 %) et de produits manufacturés (30 %).
Droits de douane et libéralisation prévue
- Niveau actuel des droits de douane : les droits de douane moyens appliqués par le Mercosur sont élevés (environ 10 %), tandis que ceux de l’UE sont de 2,5 %.
- Élimination progressive des droits de douane : l’accord prévoit l’élimination de 91 % des droits de douane imposés par le Mercosur sur l’UE et de 92 % des droits de douane appliqués par l’UE sur le Mercosur en 10 ans.
Traitement des produits sensibles
Des quotas tarifaires seront mis en place pour les produits sensibles tels que la viande bovine, la volaille, le sucre, le riz et l’éthanol. Le quota pour la viande bovine est limité à 99 000 tonnes par an, représentant 1,6 % de la production totale de l’UE. Des clauses de sauvegarde sont prévues en cas d’augmentation importante des importations.
Autres dispositions de l’accord
- Propriété intellectuelle : protection des droits d’auteur et alignement des réglementations sur les brevets.
- Indications géographiques protégées (IGP) : reconnaissance et protection des appellations d’origine.
- Services et marchés publics : libéralisation des services et accès équitable aux marchés publics.
- Clauses sociales : engagement à respecter les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment la prohibition du travail forcé et du travail des enfants.
- Règlement des différends : mécanisme de règlement des différends en cas de non-respect de l’accord.
- Règles d’origine : définition de règles d’origine pour garantir que les produits bénéficiant de l’accord ont été créés en Amérique du Sud.
Évaluations des conséquences économiques
L’impact macroéconomique de l’accord est jugé faible : +0,1 % de PIB pour l’UE et +0,3 % pour le Mercosur. Les exportations totales de l’UE vers le monde devraient augmenter de 0,4 %. L’accord devrait principalement stimuler le commerce des biens manufacturés et agricoles.
Impacts sectoriels
Viande bovine : augmentation des importations en provenance du Mercosur, entraînant une baisse de la production de l’UE de 0,7 à 1,2 %. Il est essentiel de nuancer l’impact du quota de viande bovine en tenant compte de la distribution des pièces nobles sur les marchés les plus rémunérateurs.
Industrie automobile : potentiel d’augmentation des exportations.
D’autres secteurs industriels pourraient bénéficier d’un impact positif, tels que les boissons, les vins et spiritueux, les produits laitiers, la chimie et la pharmacie.
Enjeux environnementaux
Les préoccupations environnementales portent sur l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation des terres et à la production de soja et à l’élevage bovin. Cependant, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre serait limitée (environ 1 %). Un règlement « zéro déforestation » est en cours d’adoption pour lutter contre la déforestation importée.
Normes sanitaires et qualité des produits
Les normes sanitaires européennes ne seront pas modifiées. Les OGM interdits dans l’UE ne pourront toujours pas être importés, et les teneurs maximales en résidus de pesticides seront maintenues. La viande élevée avec des hormones de croissance reste interdite. Il est crucial de renforcer les contrôles aux frontières et dans les exploitations agricoles d’Amérique du Sud pour garantir le respect des normes européennes.
Implications géopolitiques et stratégiques
L’accord favorise en partie la réindustrialisation française et européenne. Il permet de réduire les dépendances commerciales et de diversifier les destinations des exportations et les sources d’approvisionnement. L’UE renforcera sa présence politique et économique au Mercosur. En l’absence d’accord avec l’UE, la Chine pourrait conclure un accord avec le Mercosur, sans considération pour la déforestation en Amazonie.
Conclusion
L’accord UE-Mercosur représente un enjeu complexe, avec des implications économiques, environnementales et géopolitiques significatives. Bien que l’impact macroéconomique global soit modéré, des secteurs spécifiques, tels que l’agriculture et l’industrie, pourraient être affectés de manière différenciée. Les préoccupations environnementales et sanitaires nécessitent une attention particulière et des mécanismes de contrôle renforcés. En fin de compte, l’avenir de cet accord dépendra de la capacité des parties prenantes à trouver un équilibre entre les avantages économiques, les impératifs environnementaux et les exigences des citoyens.