Depuis plus de 25 ans, les consortiums d’exportation contribuent aux bons résultats du commerce extérieur italien. Sur quelles bases fonctionnent-ils ? Comment évoluent les politiques italiennes dans ce domaine ? Quelles sont aujourd’hui leurs forces et leurs faiblesses ? Les réponses d’Alessia Ferrucci Morandi, directrice du consortium Il Biologico.
Que recouvre exactement le terme de « consortium », en particulier celui de « consortium d’exportation » ?
Alessia Ferrucci Morandi : Selon le Code civil italien (Art. n°2602), un consortium est un contrat par lequel plusieurs entrepreneurs établissent une organisation commune pour coordonner et réguler certaines phases de leurs activités. Pour constituer un consortium, la présence d’au moins deux entreprises est requise. Selon la loi italienne 83 de 1989, un consortium d’exportation est une alliance volontaire d’entreprises (au moins huit) ayant pour but de promouvoir les biens et services de ses membres à l’étranger et de faciliter l’exportation de ces produits par des actions communes. Ces consortiums d’exportation sont particulièrement utiles aux PME car ils les aident à lever les barrières liées au manque de connaissances et de ressources qui les empêchent de lancer ou d’accroître leurs activités d’exportation.
Il existe différents types de consortiums d’exportation. En Italie, les « consortiums de promotion » sont beaucoup plus nombreux que les « consortiums de vente » – l’extension de la délégation accordée par chaque entreprise membre étant plus limitée dans les premiers que dans les seconds. Les consortiums peuvent être monosectoriels ou multisectoriels, régionaux ou multirégionaux.
Quelle était initialement la politique publique italienne de soutien aux consortiums d’exportation ?
A. F. M. : La loi 83 de 1989, mise en œuvre par le Ministère du Commerce extérieur, a institué un financement public pour les consortiums d’exportation de huit PME ou plus (cinq ou plus pour les consortiums opérant dans le sud de l’Italie et pour les consortiums d’entreprises artisanales). Pour être éligible aux subventions au titre de la loi 83/89, un consortium devait être constitué de PME, à l’exclusion de la participation de sociétés appartenant à un grand groupe ; être à but non lucratif ; avoir l’exportation comme objectif exclusif. Ces consortiums étaient éligibles à plusieurs aides fiscales. et à une subvention calculée sur la base des dépenses engagées l’année précédente ; il n’y avait pas d’évaluation du plan d’internationalisation.
Le montant des subventions accordées aux consortiums d’exportation pouvaient atteindre 40 % des dépenses annuelles de promotion (jusqu’à 60 % pour les consortiums d’exportation du sud de l’Italie et jusqu’à 70 % pour les cinq premières années d’activité). Les subventions annuelles maximales atteignaient 77.000 € pour les consortiums de moins de 25 membres, 103.000 € pour les consortiums de 25 à 74 membres, et 155.000 € pour les consortiums de plus de 74 membres. Les dépenses éligibles concernaient les programmes promotionnels (voyages et missions, participation à des salons, études de marché, publicité et relations publiques, traduction et interprétation, activités de formation liées à l’exportation, etc.), ainsi que les frais généraux (personnel, téléphone, mail, etc.) jusqu’à 20 % des programmes promotionnels.
Comment cette politique de soutien aux consortiums d’exportation a-t-elle évolué ?
A. F. M. : En 2000, les compétences en matière de consortiums régionaux ont été transférées aux régions dans le cadre d’un processus plus général de réorganisation de l’État italien,– les consortiums multirégionaux restant du ressort du ministère du Commerce extérieur. Les régions italiennes ont ainsi reçu des fonds du gouvernement central et ont émis des appels d’offres dédiés aux consortiums d’exportation. Au tout début, les régions ont simplement hérité de la législation nationale et l’ont appliquée à leurs appels d’offres. Mais depuis 2003, la Région Émilie-Romagne, par exemple, a commencé à contribuer aux dépenses courantes des consortiums régionaux d’exportation dans le cadre de projets spécifiques de promotion des exportations et a supprimé les anciennes subventions ; les consortiums de promotion des exportations sont donc devenus bénéficiaires d’une mesure unique, dans le cadre du plan triennal.
Et dans les années 2010 ?
A. F. M. : En 2012, la loi n°83 de 1989 a été abrogée. La loi nationale n°134 du 7 août 2012 a introduit une nouvelle entité juridique : le « consortium pour l’internationalisation », avec des fonctions et une structure d’adhésion plus larges que celles des consortiums d’exportation. Également éligibles aux subventions, ces consortiums pour l’internationalisation sont désormais ouverts à la participation d’organismes publics et privés, de banques et de grandes entreprises, à condition que celles-ci ne bénéficient pas des aides financières publiques. Les projets peuvent aussi inclure des entreprises non membres du consortium au travers de contrats de réseau, un outil de coopération interentreprises introduit dans le droit italien en 2009.
Les frais de participation individuels des membres sont d’au moins 1.250 € et d’au plus 20 % du fonds. Les subventions sont soumises au règlement UE 1407/2013 relatif à l’application des articles 87 et 88 du Traité quant aux aides d’importance mineure (« de minimis »).
De son côté, en 2013, la Région Émilie-Romagne a introduit un outil de qualification pour les consortiums : « l’accréditation institutionnelle », avec une réglementation stricte, dans le but de promouvoir un processus général d’amélioration continue de la qualité des services pour soutenir l’internationalisation des micro-entreprises et des PME de la région, offrir un accompagnement structuré et continu à ces entreprises par des structures qualifiées et spécialisées par secteur d’activité, améliorer l’image du système productif régional sur les marchés internationaux, et créer un réseau de consortiums d’exportation sectoriels spécialisés, capables d’accompagner la Région dans la mise en œuvre de stratégies d’internationalisation.
Quels sont les principaux effets de l’évolution de ces politiques ?
A. F. M. : On constate qu’il existe de moins en moins de consortiums d’exportation multirégionaux. L’appel national à consortiums multirégionaux est de moins en moins financé et les consortiums peuvent avoir une confirmation de leur admission au financement et du montant de la contribution seulement une fois qu’ils ont réalisé le projet. L’appel 2022 pour les consortiums multirégionaux a ainsi bénéficié à seulement 11 consortiums, pour des contributions totales de 794.307 €. Alors que FederExport déclarait en 2009 compter 300 consortiums d’exportation associés, auxquels s’ajoutaient les consortiums du CNA (Confédération italienne de l’artisanat et des PME), l’association Anoex (Association nationale des consortiums d’exportation) regroupe et représente aujourd’hui seulement 12 consortiums d’exportation au niveau national.
Et du côté des consortiums régionaux ?
A. F. M. : En 2023, le nouvel appel de la Région Émilie-Romagne met les consortiums d’exportation en concurrence avec des entreprises individuelles, cet appel étant ouvert « également » aux consortiums. Les coûts éligibles aux subventions concernent l’évaluation, le financement d’un responsable export temporaire ou d’un responsable export digital, le conseil pour démarrer une entreprise en ligne (e-commerce), les vidéos, catalogues et dépliants (maximum 3.000 €, uniquement en groupe), la participation à des salons internationaux, le B2B et les événements, les frais généraux de fonctionnement (7 % des coûts éligibles) et les dépenses de personnel (au maximum 10 % des coûts éligibles). Les résultats de l’appel 2023 de la Région Émilie-Romagne concernent seulement quatre consortiums (au premier rang desquels Cermac) et un total de 56 entreprises, pour des coûts estimés de 801.556 € et des contributions attendues de 400.783 €.
Les consortiums ont-ils permis aux entreprises membres d’augmenter leur taux d’exportation ? Et quels sont aujourd’hui les principaux points de réflexion sur le sujet ?
A. F. M. : Il n’existe aucun modèle permettant de mesurer l’impact d’un consortium d’exportation. L’expérience a montré que ce sont surtout les petites entreprises et celles qui en sont aux premiers stades de leurs activités d’exportation qui peuvent tirer le plus grand bénéfice de leur participation à un consortium d’exportation. Deux enquêtes par questionnaires, réalisées par FederExport en 2004 et par le CNA Emilia-Romagna en 2008, ont confirmé cette hypothèse. L’expérience a également montré que les subventions constituaient dans le passé un outil important pour promouvoir les consortiums d’exportation.
Les principales questions qui se posent aujourd’hui sont : comment les consortiums peuvent-ils devenir autonomes ? Les institutions internationales, privées ou publiques, peuvent-elles devenir partenaires de consortiums ? Faut-il ou non accueillir au sein d’un même consortium des entreprises concurrentes ? On constate également que le dirigeant joue un rôle fondamental dans la réussite d’un consortium. C’est par exemple le cas pour la success story du consortium Cermac (lire l’interview associée).
Le consortium Il Biologico
Le Consorzio Il Biologico, dirigé par Alessia Ferrucci Morandi, est le consortium de la filière biologique italienne. Il compte parmi les groupes de travail, de discussion, de communication et de représentation les plus importants sur les enjeux de la filière au niveau international. Ses principales activités : formation, représentation, promotion, communication et information. Société coopérative à but mutualiste, fondée en 1988 par un groupe d’entreprises opérant dans la production, la transformation et la distribution de produits agricoles et alimentaires issus de l’agriculture biologique, ce consortium vise à offrir les meilleures garanties aux consommateurs et au marché. Il a pour mission la représentation et la promotion des filières de production biologique, agroalimentaire et « non alimentaire ». Il participe à des salons et événements, organise des séminaires/webinaires, développe une activité de diffusion, ainsi que des formations techniques et professionnelles. Ce consortium compte 165 entreprises membres commercialisant des produits très divers, principalement dans l’agroalimentaire – production (20 %), traitement (69 %), commerce et distribution (3 %), distribution (5 %), et services (3 %). Ce « consortium pour le contrôle des produits biologiques » (CCPB), devenu en 2007 Il Biologico, certifie les produits biologiques dans le monde entier dans l’industrie agroalimentaire et dans le secteur non alimentaire (cosmétiques, détergents, textiles). Il compte 13.000 entreprises certifiées, 50 certifications, 40 autorisations internationales et 200 employés et inspecteurs.