mesures de Trump

Jour de la « libération », ou jour de la soumission ?
L’annonce de hausses massives de droits de douane sur les importations américaines est présentée par Donald Trump comme une « libération » pour un pays qui aurait été pendant des décennies trompé et abusé par tous ses partenaires commerciaux, qu’il s’agisse de la Chine, de l’Union Européenne ou du modeste Cambodge.
C’est pour cette raison qu’il présente ses décisions comme des mesures de réciprocité. En réalité, les chiffres mis en avant pour justifier ces droits sont totalement fantaisistes. Pour prendre l’exemple de l’Union Européenne, les taxes à l’importations sont présentées comme s’élevant à 39%, alors que les droits de douane moyens sont de 5%. La différence entre les deux chiffres s’expliquerait selon la Maison Blanche par les obstacles non tarifaires … et la TVA ! Une telle méconnaissance des mécanismes fiscaux laisse pantois, et est incompréhensible venant d’un pays comme les Etats-Unis.
En réalité, la logique de ces mesures n’est pas du tout la réciprocité, mais la volonté d’imposer une domination. Il ne s’agit pas de la loi du Talion, mais de la loi du plus fort. Le 2 avril 2025 n’est certainement pas le jour de la libération pour les Américains, il ne faudrait pas qu’il devienne celui de la soumission pour le reste du monde.
La Fabrique de l’Exportation publie une étude approfondie
Ces décisions vont avoir un impact majeur sur les exportations de nombreuses zones géographiques, à commencer par l’Union Européenne. La Fabrique de l’Exportation conduit une étude approfondie sur ce sujet, qui permettra de mesurer les conséquences sur l’économie française de ce début de guerre commerciale.
Cette étude analysera non seulement l’impact direct sur les exportations françaises à destination des Etats-Unis, mais aussi les répercussions indirectes, notamment les risques que certains pays qui verraient leur accès au marché américain entravé ne se tournent encore plus vers l’Europe. Cette éventualité est particulièrement forte dans le cas de la Chine, premier exportateur mondial, et frappée par les taxes américaines à hauteur de 34%, qui s’ajoutent aux 20% appliqués depuis janvier.
La réciprocité, le principe fantôme dans ces mesures
Ces mesures tarifaires marquent surtout une rupture radicale dans l’histoire du commerce international. Depuis quatre-vingts ans, les échanges internationaux étaient caractérisés par une tendance continue à la libéralisation, avec la baisse des droits de douane et des obstacles non tarifaires, ainsi que par le respect de règles multilatérales fortes : clause de la nation la plus favorisée, mécanisme de règlement des différends, progrès de la transparence, … C’est toute cette évolution qui est brutalement remise en cause par l’imposition de l’unilatéralisme et du mercantilisme.
Ce changement d’ère était perceptible depuis une dizaine d’années, avec l’échec des grandes négociations commerciales comme le Doha Round, le blocage des instances de règlement des différends de l’OMC, et les mesures protectionnistes du premier mandat de D. Trump sur l’acier et l’aluminium, et de celui de J. Biden, comme les taxes sur les véhicules électriques chinois. Mais les décisions annoncées le 2 avril 2025 ont une tout autre portée.
Il s’agit aujourd’hui d’une politique délibérée de rupture avec la mondialisation telle qu’elle s’est développée depuis la deuxième guerre mondiale. Le protectionnisme et l’unilatéralisme sont désormais mis au premier plan, et la guerre commerciale est à l’ordre du jour.
Non, le protectionnisme façon Trump ne sauvera pas nos économies
Cette politique se nourrit des échecs de la mondialisation libérale telle qu’elle a été pratiquée. Ses répercussions sur les classes populaires des pays anciennement industrialisés, avec son cortège de fermetures d’usines et de montée du chômage des travailleurs peu qualifiés expliquent la réaction trumpiste comme la montée des mouvements populistes dans de nombreux pays. Les règles traditionnelles, édictées notamment par l’OMC, ne sont plus adaptées à la mondialisation actuelle. Il faut les redéfinir, en concertation avec nos principaux partenaires. Mais le protectionnisme à la Trump n’est certainement pas la solution.
L’Union Européenne devra s’atteler à ce vaste chantier, mais sa priorité immédiate est de décider de la stratégie à adopter dans ce nouveau contexte. L’essentiel dans ce domaine est qu’elle fasse preuve d’unité et de solidarité.
Seule l’Union a la dimension suffisante pour résister au protectionnisme américain et surmonter les périls actuels. Sa politique devra être faite de fermeté par rapport aux Etats-Unis, tout en évitant la surenchère, et de renforcement des relations avec les pays et régions du monde qui partagent à peu près la même vision du commerce international : le Japon, la Corée, Taiwan, l’ASEAN, l’Australie, le Canada, le Mexique, le Mercosur, et nombre de pays émergents constituent autant de marchés importants avec lesquels l’Europe peut échanger sans tomber dans le piège du protectionnisme.
C’est aussi avec ces partenaires que nous pourrons construire l’ordre commercial mondial de demain, en attendant le retour des Etats-Unis.
mesures de Trump
mesures de Trump
