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Des conseils d’administration diversifiés aident les PME familiales à se développer à l’international

Des conseils d’administration diversifiés aident les PME familiales à se développer à l’international

Des conseils d’administration diversifiés aident les PME familiales à se développer à l’international


Quels types de conseils d’administration peuvent favoriser le développement international des PME familiales ? Les réponses d’Antonio Majocchi, professeur de management international à l’université Luiss Guido Carli de Rome, et de Claudia Pongelli, professeur assistant à l’université européenne de Rome.

 

Pourquoi l’internationalisation des entreprises familiales est-elle singulière ?

Claudia Pongelli : Depuis une dizaine d’années, plusieurs études ont montré que les entreprises familiales se comportent d’une manière différente des autres entreprises quand elles vont à l’international. Généralement, leur process d’internationalisation est plus lent, elles montrent plus d’aversion au risque, et préfèrent se développer dans des pays proches culturellement. 

Elles veulent également contrôler directement leurs opérations internationales, excluant généralement les partenariats avec des acteurs externes. Et quand elles pensent que les partenariats sont indispensables à leur développement international, elles préfèrent s’allier avec d’autres entreprises familiales, avec lesquelles elles pensent pouvoir partager les mêmes valeurs, les mêmes approches managériales, les mêmes logiques d’investissement.

Pourquoi cette différence de comportement ? Parce que le fait d’avoir un contrôle familial de l’entreprise et plusieurs membres de la famille impliqués dans le business signifie que l’entreprise n’a pas seulement des objectifs commerciaux et financiers, mais aussi des objectifs liés à la famille, par exemple procurer des emplois à des membres de la famille, assurer leur sécurité financière ou leur satisfaction personnelle. 

 

Ces aspects familiaux sont-ils un atout ou un handicap pour l’internationalisation ?

C. P.: Cette spécificité des entreprises familiales n’est pas nécessairement mauvaise pour le business, cela peut même se traduire par des atouts uniques, comme une capacité supérieure à construire des relations avec leurs collaborateurs et leurs parties prenantes, un engagement exceptionnel dans le management de l’entreprise, ou encore une orientation long terme des décisions, le but principal n’étant pas d’avoir des résultats immédiats, mais de transmettre à la génération suivante une entreprise avec un bon bilan de santé.

Il y a tout de même un bémol : cela peut être préjudiciable lorsque le prisme des intérêts familiaux prend le dessus dans les processus de décision, par exemple lorsqu’on favorise un projet, une idée, une activité, une ressource, une localisation ou un investissement en fonction de critères d’abord liés à la famille. C’est ce que la littérature académique appelle « le biais de bifurcation ».

C’est le cas par exemple de cette entreprise familiale italienne de taille moyenne, fondée en 1780 et produisant de l’huile d’olive : elle a choisi de créer une nouvelle usine de production en Angleterre du fait que la jeune sœur du PDG avait fait ses études dans ce pays et décidé d’y élire résidence… Ou encore de cette PME iranienne qui produit et vend au détail des noix et fruits séchés, et qui a décidé en 1995 de créer sa première filiale au Canada parce que ce pays promettait une qualité de vie attractive pour la famille et proposait un programme de migration économique lui permettant de s’y installer.

 

Quel était l’objectif de votre recherche ?

C.P.: Le but de notre recherche était de comprendre comment un mécanisme de gouvernance pourrait atténuer ce problème de priorisation excessive d’éléments liés à la famille. Nous nous sommes concentrés spécifiquement sur le conseil d’administration. En effet, des études antérieures avaient déjà mis l’accent sur l’importance du conseil d’administration dans le développement international des entreprises de manière générale, toutefois, le cas spécifique des entreprises familiales avait été peu étudié. De plus, les PME familiales sous-utilisent cette forme de gouvernance : peu d’entre elles ont un véritable conseil d’administration, et quand elles en ont un, il n’a, le plus souvent, qu’un rôle est  formel.

Notre étude se concentre donc sur les caractéristiques du board. Comment ces caractéristiques peuvent-elles aider les PME familiales à saisir les opportunités à l’international et à atténuer le « biais de bifurcation » ? Existe-t-il des caractéristiques du conseil d’administration qui peuvent améliorer le succès à l’international des PME familiales ?

Antonio Majocchi : Notre idée principale était qu’un conseil d’administration diversifié pouvait aider les PME familiales à améliorer leurs performances à l’international, en limitant les « distorsions familiales » dans l’identification et l’exploitation des opportunités internationales. Nous avons donc regardé le degré d’ouverture du conseil d’administration à des membres extérieurs à la famille dans un ensemble de PME familiales, mais aussi la représentation des femmes et la diversité des âges au sein du board, ainsi que l’expérience internationale des membres du conseil d’administration. 

 

Quelles étaient vos hypothèses de travail ?

A. M.: Notre première hypothèse était que dans les PME familiales, la présence au sein du conseil d’administration de personnes non-membres de la famille, d’une plus grande diversité de genre et d’âge, serait associée à des niveaux d’internationalisation plus élevés. Nous avons également supposé que la présence d’une expérience internationale plus importante au sein du conseil d’administration et l’existence d’un board plus actif (en termes de fréquence des réunions) seraient également associées à un plus haut niveau d’internationalisation pour les PME familiales.

Enfin, nous avons également fait l’hypothèse que l’impact de tous ces éléments (diversité, expérience internationale et activité du conseil d’administration) serait plus fort si le PDG de l’entreprise était un membre de la famille. La plupart des recherches sur les entreprises familiales disent en effet que le fait d’avoir un PDG membre de la famille est préjudiciable pour le développement international. Mais nous étions réticents quant à cette vision pour avoir connu des entreprises familiales dirigées par un membre de la famille et qui obtiennent un grand succès à l’international. Nous voulions donc préciser cette question, en identifiant les cas où c’est effectivement préjudiciable et les cas où ça ne l’est pas.

 

Comment avez-vous testé ces hypothèses ?

A. M.: Nous avons testé ces hypothèses au moyen d’une enquête par courrier auprès des PDG de 3.987 entreprises belges. Le taux de retour a été de près de 10 % et notre analyse empirique porte finalement sur 328 PME familiales belges.

 

Quels sont les principaux résultats de cette recherche ?

A. M.: Les résultats de cette étude ont confirmé que l’ouverture du conseil d’administration à des non-membres de la famille, la représentation des femmes, l’expérience internationale et l’activité du board a effectivement produit des effets positifs sur le degré d’internationalisation des PME familiales et leur succès. Pour la diversité des âges, le résultat n’est pas significatif.

Notre étude confirme que le fait d’avoir un PDG membre de la famille est, en moyenne, un facteur négatif. Mais elle montre également que cela devient un facteur positif si en même temps, l’entreprise a un conseil d’administration diversifié, inclusif, expérimenté et actif. Cela permet d’avoir « le meilleur des deux mondes ». Par exemple, si le CEO n’est pas un membre de la famille, le nombre de membres du conseil d’administration externes à la famille a un impact limité sur le niveau d’internationalisation. Alors que si le CEO est un membre de la famille, cet impact est très important.

En conclusion, nous avons montré que les PME familiales sont associées à un plus haut niveau de succès à l’international lorsque les conseils d’administration sont plus ouverts à des membres non familiauxplus inclusifs en termes de diversité de genre, plus expérimentés sur les marchés internationaux et plus actifs en termes de fréquence des réunions.

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