INTERVIEW LE FIGARO – Pour Étienne Vauchez, président de la fédération des sociétés d’accompagnement et de commerce international (OSCI) et fondateur du Think Tank La Fabrique de l’exportation, l’enjeu est aujourd’hui dans la création de valeur ajoutée.
LE FIGARO. – Les entreprises françaises n’arrivent toujours pas à tirer leur épingle du jeu dans les échanges mondiaux. Pourquoi?
Étienne VAUCHEZ. – En matière de commerce international, les concepts et les méthodes que nous utilisons sont dépassés et nous empêchent d’agir efficacement. Chaque mois, par exemple, nous commentons les statistiques douanières du commerce extérieur qui retracent le chiffre d’affaires de nos exportations des seuls produits, alors que l’enjeu aujourd’hui est dans la création de valeur ajoutée, que ce soit sous la forme de produits ou de services. Nous persistons aussi à penser qu’une entreprise qui s’internationalise doit d’abord recruter un directeur export, avec un risque de dichotomie entre ses ventes France et export. Pour construire son expansion internationale, elle doit au contraire faire monter en compétence sa direction commerciale pour qu’elle devienne une direction monde. Bref, nos représentations n’ont pas progressé au même rythme que la transformation du commerce mondial.
Que faut-il faire ?
Il faut mieux prendre en compte le rôle structurant des standards des marchés, qui ouvrent ou ferment l’accès aux clients à l’international. Les questions que doit se poser une PME sont les suivantes: où en suis-je dans la maîtrise de la technologie, des normes, des pratiques marketing, des exigences de qualité que requiert tel ou tel marché export? Suis-je réellement capable de travailler avec une chaîne de distribution aux États-Unis ou pour un grand donneur d’ordre allemand de mon domaine? Ai-je les compétences internationales qui correspondent à la complexité des opérations que je veux commencer à l’étranger? Il faut aussi stimuler massivement les coopérations entre entrepreneurs, pour qu’ils abordent ensemble et plus forts les marchés internationaux, et doper les financements mis à leur disposition.
Les PME ont-elles suffisamment envie d’exporter ?
Nous devons en finir avec l’injonction d’exporter: le succès d’une PME ne passe pas systématiquement par sa projection en solo sur les marchés internationaux, surtout si ces derniers sont difficiles. La véritable obligation pour une PME qui veut croître, c’est de se mettre au niveau de l’état du marché mondial et d’être capable de s’insérer dans le système mondial de production et de distribution. Que ce soit comme sous-traitant d’une firme internationalisée, comme partenaire d’une société qui revend ses produits à l’étranger, comme exportateur sur certains marchés bien maîtrisés, en partenaire industriel sur des marchés plus complexes, etc.
Notre dispositif d’accompagnement à l’export est-il efficace ?
Ce dispositif date des années 1990, et rien n’est jamais venu le remettre en cause car il vit à l’abri du marché. Pour le renouveler, il faudrait le transformer en un marché concurrentiel régulé par les prix et les compétences, ce qui renforcera les prestataires performants et éliminera les moins bons. Cela permettra également d’accueillir investissements et innovations qui créeront les nouveaux services d’aide à l’internationalisation des PME. Comme tous les autres marchés de services aux entreprises! Mais il faudra aussi stimuler massivement les coopérations entre entrepreneurs, pour qu’ils abordent ensemble et plus forts les marchés internationaux, et doper les financements mis à leur disposition pour qu’ils disposent de la visibilité propre à construire leur succès international dans le temps. C’est cette révolution qu’il faut engager aujourd’hui si nous voulons réussir à faire profiter nos PME des marchés mondiaux. Mais il faut agir très vite, car les marchés n’attendent pas.
Cet article est publié dans l’édition du Figaro du 09/08/2017