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Comment maintenir la cohésion des équipes internationales en travaillant à distance ?

Comment maintenir la cohésion des équipes internationales en travaillant à distance ?

En cette période de pandémie, les équipes internationales ont plus que jamais besoin de compétences interculturelles. Comment, dans ce contexte, optimiser la collaboration à l’international ? Les pistes d’Anne Bartel-Radic, professeur à Sciences Po Grenoble.

La crise du Covid-19 a accentué le recours au travail à distance. Quid des équipes internationales ?

La collaboration à l’international est, depuis plusieurs années, de plus en plus virtuelle. Les équipes internationales ont l’habitude de travailler à distance, chaque membre étant relié aux autres par des outils digitaux. Dans une enquête de 2016, à la question « à quelle fréquence les équipes virtuelles se rencontrent-elles physiquement ? », 41 % des organisations interrogées répondaient « jamais » et seulement 14 % « plus de trois fois par an ». Les équipes internationales virtuelles sont devenues très courantes dans les entreprises, les organisations internationales et la recherche depuis une vingtaine d’années. Le courriel, la visioconférence ou encore le cloud ont apporté des solutions pour faire travailler ensemble des équipes dont les membres sont localisés dans des pays différents. Ces outils ont facilité la collaboration internationale, via la virtualisation progressive du management et de la communication. La crise du Covid-19, qui limite drastiquement les déplacements à l’étranger, a accéléré cette tendance qui devrait se maintenir dans le futur.

Quelles sont les limites de ces outils digitaux de communication ?

Si les nouvelles technologies facilitent le management d’équipes internationales, elles ne permettent pas pour autant de casser les barrières de la communication et de la compréhension interculturelles. Elles n’apportent pas (encore) de réponse à la question du mode de management des équipes multiculturelles. Entre des individus appartenant à des cultures différentes, les échanges sont nécessairement appauvris par les outils digitaux et empêchent la prise de conscience des différences culturelles, premier pas de l’apprentissage multiculturel. En visioconférence, on n’a pas la gestuelle mais on a au moins les mimiques, pour peu que l’outil fonctionne adéquatement ; au téléphone, on a juste l’intonation ; par mail, on perd tous ces éléments… Aujourd’hui, avec l’impossibilité pour chacun de partir à la rencontre de l’autre à l’étranger, les équipes ont d’autant plus besoin de compétences interculturelles.

Comment définit-on la compétence interculturelle ?

La compétence interculturelle est la capacité de comprendre l’interaction interculturelle et de s’y adapter. Elle intègre deux composantes : une compétence « culturelle », qui permet de comprendre une culture précise et de s’y adapter relativement, et une compétence « interculturelle », qui permet de comprendre la spécificité de l’interaction interculturelle, et de s’y adapter, notamment à travers l’empathie, l’ouverture d’esprit et la stabilité émotionnelle. Les différences culturelles peuvent s’exercer dans différents domaines comme le rapport au temps ou à la hiérarchie, la manière explicite ou implicite de s’exprimer, le rapport à la prise de risques, la perception de l’incertitude…

La compétence interculturelle s’acquiert-elle avec l’expérience internationale ?

Ce n’est pas si simple. L’expérience internationale est liée aux déplacements à l’étranger (voyages, expatriation), à l’apprentissage de langues étrangères et à l’interaction interculturelle dans le pays d’origine. La compétence interculturelle mobilise différents traits de personnalité :stabilité émotionnelle, ouverture d’esprit, empathie, confiance en soi, capacité de communication, ethnorelativisme, tolérance à l’ambiguïté, complexité attributionnelle… Différentes recherches, dont celles que j’ai menées, montrent que l’impact de l’expérience internationale sur la compétence interculturelle est limité : on l’évalue à 5 % seulement ! Il existe de plus un effet de seuil sur l’apprentissage dès les premiers voyages à l’étranger ; ce n’est donc pas la quantité qui joue. Quant à la personnalité, elle n’expliquerait que 18 % de la bonne compréhension des incidents critiques interculturels.

Mais alors, quelles sont les caractéristiques qui favorisent le développement de compétences interculturelles au sein des équipes internationales ?

Des chercheurs ont montré qu’une partie (minoritaire) des équipes multiculturelles se montrait plus performante que les équipes monoculturelles, et qu’une autre partie (majoritaire) était moins performante. Autrement dit, les équipes multiculturelles sont potentiellement plus performantes, mais ce potentiel n’est réalisé que dans une minorité de cas. Les caractéristiques des équipes internationales qui semblent favoriser le développement de compétences interculturelles sont de différents types : des relations de longue durée et une bonne connaissance mutuelle ; un contexte peu hiérarchisé où les personnes sont placées sur un pied d’égalité ; un contexte commun et partagé autour d’une équipe projet ; des émotions positives et un plaisir à échanger. La performance d’une équipe dépend du contexte organisationnel (stratégie et culture d’entreprise), de la composition de l’équipe, de sa diversité culturelle, et des processus de collaboration (communication, conflit, cohésion, information, créativité). Pour tirer le meilleur parti des équipes multiculturelles, il faut privilégier un management « serré » sur le cadre structurel et formel concernant les tâches et un management plus souple dans le domaine culturel. En d’autres termes, il importe d’une part de bien clarifier les objectifs, les tâches et les responsabilités, et d’autre part de favoriser la connaissance mutuelle sans chercher à homogénéiser les valeurs.

 

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