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Face à Trump et Xi Jinping, quelle politique commerciale pour l’Europe ?

Face à Trump et Xi Jinping, quelle politique commerciale pour l’Europe ?

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Face à Trump et Xi Jinping, quelle politique commerciale pour l’Europe

Face à Trump et Xi Jinping, quelle politique commerciale pour l’Europe ?

La Maison Blanche vient de confirmer la mise en place prochaine de droits de douane à 25 % sur les produits européens. Le même traitement est réservé aux exportations canadiennes et mexicaines, tandis que la Chine est quant à elle taxée à 20%. Il s’agit là d’une complète remise en cause des principes en vigueur depuis l’après-guerre, qui étaient fondées sur la libéralisation des échanges, le multilatéralisme et le respect de règles communes.

Mais cet ordre commercial multilatéral était déjà largement remis en cause depuis deux décennies par l’irruption brutale de la Chine dans le concert des puissances industrielles. Depuis 2001 et son entrée à l’OMC, l’industrie chinoise a conquis des parts considérables du marché mondial, au point d’être aujourd’hui en position dominante dans de nombreux secteurs. Les règles traditionnelles du commerce international n’avaient pas prévu ce scénario. Nous sommes loin du concept de « croissance ordonnée des échanges », et de la mondialisation heureuse.

Le double tsunami américain et chinois

C’est donc l’ensemble de l’édifice construit après la Deuxième Guerre Mondiale et consolidé jusqu’au début du Millénaire qui doit affronter le double tsunami américain et chinois. L’ attachement européen aux règles de l’OMC et aux accords de libre-échange reste justifié sur le fond. Mais le rappel de ces convictions ne peut plus tenir lieu de politique commerciale. Il nous faut aujourd’hui affronter une réalité nouvelle et un monde conflictuel. Deux des trois principales puissances économiques mondiales ont décidé de ne plus respecter les règles du jeu et d’appliquer purement et simplement la loi du plus fort.

Il s’agit pour l’Europe d’un défi considérable, auquel elle n’est pas préparée. Le domaine du commerce international est de ce point de vue assez semblable à celui de la géopolitique, ou notre continent est frappé de stupeur face au revirement de la stratégie d’alliances des Etats-Unis.

Il faut donc aujourd’hui concevoir et mettre en œuvre une nouvelle politique commerciale européenne, plus réaliste et beaucoup plus ferme. Le chemin vers cette nouvelle politique est semé d’embûches, tant les visions des différents Etats-Membres sont traditionnellement divergentes. Mais les nouveaux défis auxquels l’Europe est confrontée devraient provoquer une prise de conscience et une évolution des positions.

Une nouvelle orientation à trois volets 

Cette nouvelle orientation devrait comporter trois volets principaux : une stratégie de défense commerciale plus résolue, la recherche d’alliances avec certaines puissances tierces, et à terme la recherche d’un nouvel ordre commercial international.

Une stratégie de défense commerciale plus résolue

S’agissant de la défense de l’économie européenne, la prise de conscience de la nécessité d’une politique plus ferme a déjà commencé : depuis quelques années, la Commission européenne a mis à jour son logiciel et est passée d’une doctrine purement libérale à une démarche plus « assertive », selon la novlangue bruxelloise avec l’institution d’un procureur commercial européen, la création d’un dispositif anti-coercition, la réciprocité dans les marchés publics, la multiplication des procédures anti-dumping et anti-subvention, … La décision récente de taxation des véhicules électriques chinois illustre cette tendance.

Mais aujourd’hui, il faut aller plus loin, en particulier face au protectionnisme américain. Le principe de réciprocité doit être appliqué avec fermeté, et il faut donc prendre des mesures à l’encontre de certains intérêts américains. Ces rétorsions peuvent bien sûr viser les exportations de certains produits américains, particulièrement sensibles politiquement, comme l’Europe avait commencé de le faire lors du premier mandat de Donald Trump. Mais il faut aussi toucher le secteur des services, dans lequel les Etats-Unis sont excédentaires vis-à-vis de l’Europe, ce qui ressemble fort à un « entubage » à l’envers, pour reprendre le langage fleuri du Président américain. A cet égard, le sujet principal est certainement celui des services numériques, ou l’Europe devra faire preuve de détermination, tant les pressions de l’administration américaine et des GAFAM seront fortes.

Les mouvements citoyens de boycott de certains produits et services américains qui commencent à apparaitre notamment en Europe du Nord pourraient aussi être encouragés, à l’instar des actions menées également au Canada. La portée réelle de ces actions est certainement limitée, mais la symbolique est forte, et l’impact ne doit pas être sous-estimé compte tenu du monde de communication dans lequel le Président américain vit.

Vis-à-vis de la Chine, la problématique est différente, mais l’enjeu est tout aussi essentiel. Il s’agit en fait de l’avenir même de l’industrie européenne, qui peut être gravement affectée par cette double lame : la montée inexorable des importations chinoises en Europe est déjà très sensible, mais on peut craindre un afflux supplémentaire de produits qui ne pourraient plus accéder au marché américain.

La vision traditionnelle de ce sujet est celle de la concurrence déloyale, fondée notamment sur les subventions massives dont bénéficient les exportateurs chinois. C’est sur cette base, par exemple, que les véhicules électriques ont été surtaxés. Mais le défi que nous pose la Chine va bien au-delà : même en faisant abstraction du volet subvention, la réalité est que l’appareil industriel est tellement puissant qu’il pose un problème véritablement systémique : les efforts faits depuis des années par la Chine en matière de formation, de recherche/développement, d’industrialisation, la planification stratégique mise en place par les autorités ( cl le plan « Made in China 2025 »), la taille du marché intérieur expliquent la position de force des entreprises chinoises. Si l’on veut réellement protéger notre industrie contre ce risque mortel il faudra donc sortir de la vision traditionnelle de la concurrence déloyale et inventer une sorte d’abus de position dominante au niveau international. A court terme, il ne faudra pas hésiter à mettre en place des barrières en faveur de nos industries stratégiques.

La recherche d’alliances avec d’autres puissances tierces

Le deuxième volet de la nouvelle politique commerciale consiste à se rapprocher des pays et régions du monde qui partagent nos craintes face au protectionnisme américain et à l’impérialisme économique chinois, et qui restent dans l’ensemble attachés au respect des règles qui ont été définies par la communauté internationale. C’est notamment le cas du Royaume-Uni, du Japon, de la Corée du Sud, de la plupart des pays de l’ASEAN, ainsi que de l’Australie et de la Nouvelle Zélande. Sur le continent américain, des alliances pourraient être nouées avec le Canada, le Mexique ainsi que le Mercosur, pour autant que les blocages actuels de la classe politique française puissent être dépassés. Il y a aussi le cas de l’Inde, qui n’est certes pas un modèle d’ouverture du marché, mais qui est un acteur non aligné de premier plan. Toutes ces économies ont un poids important et pourraient nous permettre de sortir en partie des face à face avec Washington et Pékin.

Configuration d’un nouvel ordre commercial international

Enfin, cette période troublée pourrait être l’occasion pour l’Europe de lancer une grande initiative sur la reconfiguration de l’ordre commercial international. L’OMC est, malheureusement, en état de coma profond. Il est d’ailleurs frappant de remarquer que Trump n’a pas annoncé le retrait des Etats-Unis de cette organisation, alors qu’il l’a fait pour l’OMS et l’Accord de Paris dès les premiers jours de son mandat. L’explication est probablement qu’il méprise tellement cette institution qu’il n’a même pas jugé utile de s’en retirer. A moins qu’il n’ignore tout simplement son existence…

Au-delà de l’opposition américaine, qui avait d’ailleurs commencé avant l’aire Trump, il faut reconnaitre que l’OMC est aujourd’hui bloquée : les grands accords commerciaux multilatéraux comme le Doha Round ne sont plus à l’ordre du jour, le mécanisme de règlement des différents est à l’arrêt, et surtout, les règles de l’OMC ne permettent pas de traiter de manière satisfaisante des cas comme celui de la Chine. Même si cette dernière perdait un jour à l’OMC son statut de pays en voie de développement, ce qui ne serait que justice, elle garderait sa position de pays dominant, voire monopolistique, dans de nombreux secteurs essentiels. 

De nouvelles règles du jeu sont à inventer, qui prennent en compte les sujets de souveraineté économique ainsi que les aspects environnementaux. Ce n’est qu’à ce prix que les opinions, notamment dans les pays anciennement industrialisés, retrouveront confiance dans le commerce international.

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