À la suite de notre réunion du 10 janvier 2017, retrouvez les recommandations pratiques concernant l’extraterritorialité du droit américain émises par Hervé Guyader, Avocat au Barreau de Paris, Docteur en droit et Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International (CFDCI).
Les opérateurs du commerce international observent depuis une dizaine d’années une applicabilité croissante de la législation américaine à leurs opérations d’import-export avec des pays tiers, notamment via l’interdiction d’utiliser le dollar dès lors que l’opération a une relation quelconque avec un pays sous sanctions US, progressivement formulée depuis une quinzaine d’année.
Il s’agit de lois relatives aux embargos, à la corruption, à la fiscalité des personnes, aux contrôles des exportations. Ainsi, les exportateurs français font face à la quasi impossibilité de trouver des banques françaises pour financer leurs exportations sur les pays sous embargo US, à de réelles difficultés pour trouver des assureurs ou des transporteurs lorsque ces derniers sont cotés ou ont des actionnaires aux Etats-Unis, ou encore au refus des grands groupes français opérant aux Etats-Unis d’honorer leurs engagements sur de tels marchés, etc.
Voici quelques conseils pour éviter de voir vos opérations entravées.
1. Prévenir et anticiper
Tout acteur du commerce international est censé connaître les règles du jeu, quelle que soit leur complexité. Il doit donc respecter l’ensemble des dispositions légales et réglementaires du droit national, du droit conventionnel, mais aussi du droit extraterritorial américain – ou s’assurer qu’elles ne lui seront pas applicables.
2. Élaborer un plan de compliance
Pour se conformer aux multiples préconisations des différentes autorités US, il faut élaborer des plans de compliance très précis et très coûteux, fondés sur des audits complets et indépendants.
3. Connaître les barrières qui protègent de l’extraterritorialité
« Il est possible de réaliser des opérations avec des pays sous sanctions américaines et d’échapper à l’extraterritorialité des lois US », souligne Fabien Buhler, président de Devexport. « A condition de ne pas utiliser le dollar, d’être attentif aux sociétés avec lesquelles on travaille, et de trouver des solutions lorsque l’un de ces partenaires passe sous contrôle américain ».
4. « Agir avec discernement dans l’approche des marchés »
« Lorsque l’on veut travailler sur des marchés visés par des sanctions américaines il faut savoir les approcher à travers et avec des acteurs qui n’ont pas de risque lié à leur présence aux États-Unis » explique Fabien Buhler. « Il faut aussi savoir se protéger par des montages spécifiques, rigoureux et inventifs, comme dans toute bonne ingénierie »… En clair : être astucieux en matière d’ingénierie commerciale et financière.
5. En cas de problème passer d’une « défense résistance » à une « défense coopération »
En cas de problème le dossier n’aura pas vocation à être poursuivi dans le cadre d’un contentieux classique devant un tribunal, mais se traitera par un dialogue avec l’administration américaine et se terminera par un « deal de justice », c’est-à-dire dans l’acceptation d’une sanction « négociée » avec l’Administration américaine sous la menace de sanctions administratives (retrait de licence, fermeture de filiale, mise en prison de dirigeant, etc.). Il ne sera pas jugé dans cinq ans ou dans dix ans mais fait l’objet d’une décision administrative immédiate (d’ailleurs l’Administration US ne propose pas la voie judiciaire). Il faut donc savoir appréhender ce nouveau type de procédure, et le mode de « négociation » qui va avec.
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