Tirer parti de la marque France
La Fabrique de l’Exportation a mené un travail sur l’état de la marque France et sa perception dans le monde en 2014 ; ce travail s’appuie sur l’analyse d’études académiques et a été présenté lors de la réunion de travail entre membres qui s’est tenue le 20 mai 2014.
Les travaux du Think Tank visent à donner des clés pour une entreprise souhaitant tirer profit de la marque France dans sa stratégie export, dans un premier temps, en mettant en lumière les éléments clés de la marque France puis, dans un second temps, en donnant des pistes opérationnelles pour en utiliser les aspects positifs et en gérer les aspects négatifs.
Nous vous proposons de découvrir dans ce document trois recommandations du Think Tank à destination des exportateurs :
Analyser sa propre marque par rapport à la marque France
Construire son marketing en relation avec la marque France
Déterminer les étapes pour pouvoir tirer profit de la marque France : Checklist
1. Analyser sa propre marque par rapport à la marque France
1.1. Les attributs de la marque France
Existe-t-il un avantage à associer votre marque à la marque France, tel que le font Citroën (en Chine) ou Dior, ou est-il préférable de dissimuler l\’origine du produit, tel que le font Ubisoft ou Bugatti ?
Du point de vue de l’acheteur, l’image du pays d’origine sert à combler un manque d’information sur le produit. Plus l’information sur les alternatives est incomplète et plus l’acheteur se basera sur ses préjugés et stéréotypes. Ainsi, plus votre marque manque de notoriété et plus le levier « Made in France » sera décisif. Par le même biais, plus le pays d’exportation est lointain, donc moins la France est connue par le client potentiel, plus les stéréotypes et préjugés, aussi bien positifs que négatifs, joueront un rôle important, qu’il faudra gérer.
L’image du pays d’origine aura un impact sur la perception d’un client potentiel à quatre niveaux :
Le design (style, élégance)
Le prestige (exclusivité, statut)
L’innovation (pointe technologique, ergonomie)
La qualité (fiabilité, durabilité)
Le producteur français doit donc réfléchir à la « personnalité » de sa marque, car pour que le label Made in France fonctionne, il faut qu’il soit compatible avec le produit (ou du moins pas en conflit). Le label Made in France peut être complémentaire et renforcer une perception pour une marque forte, voire compenser et combler un déficit pour une marque faible. En revanche, il ne doit pas être contradictoire.
Il est par ailleurs important de rappeler que l’image que nous nous faisons de nous-même n’est pas nécessairement l’image que les étrangers se font de la France. Il faut donc impérativement sortir de notre propre prisme pour analyser efficacement les attributs de la marque France. De plus, cette perception varie d’un pays à l’autre, il faut donc identifier les éléments perçus mondialement et ceux qui sont particuliers (ou particulièrement forts) sur un pays. Un américain, par exemple, pourrait voir la France comme un pays tourné vers le passé et la tradition, alors qu’un tunisien pourrait voir la France comme un pays tourné vers le futur et les technologies de pointe. Quoi qu’il en soit, la France laisse l’étranger rarement indifférent et il y associera aussi bien des attributs positifs que des attributs négatifs.
Quels sont les attributs négatifs de la marque France ?
Taxés d’arrogance par les uns, de manque d’amabilité et de snobisme par les autres, les étrangers ont une image contrastée des français. Le travail des français est souvent considéré par les étrangers comme inconstant et irrégulier. Plus particulièrement, il condamne un manque d’aptitude au business et au management, un déficit d’internationalité (en partie dû au faible niveau de langues étrangères) ainsi qu’un manque de comportement intégratif et applicatif (R&D mais peu de commercialisation).
L’incompréhension et la défiance envers certaines pratiques françaises viennent s’opposer à la fascination et le désir. Ainsi, l’image de la France semble se nourrir des extrêmes, ce qui rend d’autant plus délicate son utilisation comme base de stratégie marketing.
Quels sont les attributs positifs de la marque France ?
La France est souvent perçue comme un pays de cocagne où il fait bon vivre, peuplée d’esprits jouisseurs et talentueux, plus portés sur la spéculation intellectuelle qu’économique et plus enclins au commerce des idées qu’à celui des produits. Elle est également perçue comme le pays du raffinement, du luxe, et des belles choses. De plus, on lui associe une certaine « folie » créatrice, parfois liée à une folie des grandeurs (nous penserons bien sûr aux grands monuments tel Versailles ou la Tour Eiffel, mais aussi le Paquebot France et le supersonique Concorde, tous deux, par ailleurs, voués à l’échec commercial). La France est considérée comme une terre d’invention et d’inventeurs, d’artistes et de créateurs, ce qui explique que derrière le luxe, le design est le deuxième pilier du Made in France. Il distille des attributs de beau, d’élégance, d’inventivité et de créatif.
C’est pour cette raison que le « Made in France » est prioritairement associé à une image de qualité, dès lors que les produits sont fortement liés aux valeurs artisanales (côté humaniste de la France) et au luxe. Ceci sera moins le cas pour les produits industriels, tel que l’automobile.
De plus, le territoire diversifié de la France rend ce pays très attractif d’un point de vue touristique. Cette attractivité peut aussi trouver son origine dans l’histoire riche avec une forte tradition humaniste dont dispose la France. De fait, la force de l’humain est prépondérante en France, ce qui est fortement reconnue à l’étranger. Les français ont une forte capacité à penser différemment. L’humain y est identifié comme un véritable effet de levier, idée qui crée une réelle différenciation de la France sur la scène internationale
1.2. Quelle est la perception de la France dans la zone géographique que je vise ?
L’image de la France est riche et complexe. Elle est source d’incompréhension, de mépris mais aussi de désir. Pour un chef d’entreprise souhaitant utiliser la marque France dans sa stratégie export, il est indispensable de bien comprendre ce que la marque France signifie dans le pays ou la région visée avant de se demander si certaines de ses composantes peuvent être utilisées pour le marketing de ses produits.
La perception de la marque France diffère selon les régions du monde, les pays et même dans certains cas dans les régions d’un pays-continent (aux Etats-Unis ou au Brésil par exemple). Il est essentiel de bien appréhender la perception de la marque France dans le pays visé pour pouvoir par la suite mettre en place une stratégie cohérente et efficace.
Si on prend l’exemple de la Chine, la France est perçue comme un pays d’artistes, pas d’ingénieurs. Outre le romantisme, les notions clés rattachées à la France sont la mode, le luxe, la culture, l’art de vivre, le patriotisme et un esprit critique[1]. Le problème de cette étiquette de « romantisme » est qu’elle peut faire paraitre la France comme un pays qui vit dans le passé et qui est donc dépassé. Lors de l’Exposition universelle de 2010 à Shanghai, qui avait comme thème « Better City, Better life », la France a choisi de placer le romantisme au cœur de son pavillon en proposant une ballade sensorielle au cœur de l’urbanité[2], quand d’autres ont opté pour des technologies modernes ou l’écologie. Si l’expérience a été globalement appréciée, le sens du message de la France n’a pas été compris par les chinois ; ce qui n\’a fait que renforcer les préjugés négatifs sur la France, notamment l’attentisme et le passéisme. Faisant parti de l’imaginaire positif des chinois sur la France, le romantisme peut être utilisé pour tirer profit de la marque France mais il faut que cela soit fait en cohérence avec les attentes des chinois.
1.3. L’analyse de son propre marketing
Avant de vouloir actionner le levier de la marque France dans sa stratégie export, le chef d’entreprise doit se poser les bonnes questions relatives à son environnement d’affaires.
En effet l’impact conscient ou inconscient des stéréotypes sur les prospects étrangers est tel qu’il est important pour chaque entreprise de se poser les questions suivantes :
Qu’est ce qui dans les valeurs transmises par le produit de l’entreprises fait écho aux atouts de la marque France ?
Qu’est ce qui fait écho à ses points faibles ?
L’impact du secteur d’activité
La marque France a un écho plus positif dans certains secteurs d’activités que d’autres. Luxe, tourisme, agroalimentaire, énergie, transports, BTP, banque-assurance, TIC, santé, culture, mode/textile, distribution sont autant de secteurs où la marque France résonne positivement à travers le monde, et où, une entreprise peut donc mettre en avant le côté français dans son identité de marque. Cette réputation est souvent (à tort) difficilement réconciliable dans l’esprit du consommateur avec l’innovation et la production industrielle de masse. Dans la démarche marketing, cette réconciliation peut être désirable et faisable, mais elle demande une réflexion mûre, afin d’éviter l’apparence d’absurdité. Nous y reviendrons plus tard.
Existe-t-il une différence entre le BtoB et le BtoC ?
Une entreprise BtoB ne peut pas actionner le levier de la marque France de la même manière qu’une entreprise BtoC. Comme dans toute stratégie marketing, il est indispensable d’adapter son message à son audience. Or, une entreprise et un consommateur ne réagiront pas de la même manière à « l’effet du pays d’origine » :
Une entreprise a tendance à être plus rationnelle dans ses choix qu’un consommateur et sera ainsi moins influencée par l’effet du « pays d’origine » dans l’intention d’achat ;
Une entreprise dispose de plus d’informations qu’un consommateur sur lesquelles elle peut baser sa réflexion ;
Une entreprise est généralement plus fidèle à ses fournisseurs qu’un consommateur, entre autres en raison des coûts élevés liés au changement.
Au final, même si « l’effet du pays d’origine » a une plus grande influence dans le processus de décision d’achat d’un consommateur que pour une entreprise, cela ne veut pas dire que cette dernière n’y réagisse pas du tout. Ainsi, si votre secteur ou votre produit/service fait écho positivement à la marque France, il est fortement conseillé de la mettre en avant dans votre stratégie marketing.
L’impact du comportement business
Dans ce domaine les français partent plutôt avec un handicap : retardataires, ne parlant pas l’anglais, défaut d’ouverture aux autres, manque de simplicité, de constance, de pragmatisme ; laissez un détail de votre comportement faire écho à ces stéréotypes et c’est l’échec assuré. Il faut au contraire, quand on est français, être conscient des préjugés et lutter activement contre ces échos négatifs par un comportement business irréprochable : écouter son interlocuteur et lui faire comprendre que son avis est pris en considération, ne jamais être en retard, être le plus clair et concret possible dans ses présentations, faire preuve de rigueur, etc.
2. Comment construire son marketing avec la marque France ?
2.1. Ajuster sa marque pour un écho positif
Une fois les attributs de la marque France appréhendés, le chef d’entreprise doit s’atteler à mettre en place une stratégie marketing qui fait ressortir ces attributs positifs. Cela reviendrait, par exemple, pour une entreprise de services à mettre en avant le côté humaniste des français, pour un industriel de faire écho à son histoire artisanale ou encore pour une entreprise du textile de « vendre » le style de vie à la française.
Il s’agit ici de récupérer les préjugés positifs de la marque France et de les décliner sur sa propre marque pour en faire une force tout en se protégeant de certains préjugés négatifs comme le coût généralement élevé des produits français.
2.2. Pallier les préjugés négatifs
Qu’une entreprise joue ou non sur le levier Made in France, l’origine du pays ne peut pas toujours être dissimulée, il faut donc faire attention à ne pas renforcer les préjugés négatifs. Les préjugés négatifs de la marque France peuvent être rédhibitoire pour une entreprise souhaitant exporter. Que ceux-ci interviennent au niveau du pays visé, du secteur d’activité de l’entreprise ou encore du produit en lui-même, l’étiquette « made in France » peut être contre-productive pour l’entreprise exportatrice, qui doit absolument s’en affranchir. Il existe au moins deux manières de contourner ces préjugés : le panachage et l’alliance sectorielle.
Le panachage consiste à combiner la marque France avec un ou plusieurs préjugés positifs d’un autre pays ou secteur d’activité. La Chine a une mauvaise perception de la production industrielle française alors qu’à l’inverse elle salut celle de l’Allemagne ? Une accroche comme « Entreprise X, française et troisième producteur en Allemagne » peut permettre de contourner efficacement ce préjugé. Il s’agit ici de récupérer l’image forte de la production allemande dans l’imaginaire chinois et de l’utiliser pour lutter contre un préjugé négatif de la marque France. Un autre panachage intéressant peut être celui du lien entre l’histoire et la modernité. Comme dit précédemment, la France dispose d’une histoire riche et reconnue mondialement, notamment la période du Classicisme (mouvement culturel qui s’est développé de la France vers toute l’Europe au XVIIème-XVIIIème siècle), et le rappeler peut s’avérer être un bon moyen de contourner le préjugé de manque d’innovation. Proposer une combinaison de ce que la France a pu faire de grand en termes d’innovation, d’architecture, etc. permet de mettre en avant le fait que malgré, les préjugés actuels, une entreprise française est capable de produire des éléments concrets, rationnels et innovants.
L’alliance sectorielle peut être un autre moyen de combattre efficacement les préjugés. Le regroupement de plusieurs entreprises complémentaires d’un même secteur dans une ou plusieurs opérations export permet, en plus de mutualiser les coûts et les compétences, de former un message de marque commun au secteur, et cohérent qui profiterait ainsi à l’ensemble du secteur. Un message porté par un groupe d’entreprises dans un marché international a plus de chance d’être entendu que par seulement quelques entreprises isolées (pouvant qui plus est adresser des messages contradictoires).
2.3. Trouver un dénominateur commun à un grand nombre de pays
Pour une entreprise souhaitant exporter dans plusieurs régions du monde, il n’est pas facile de décliner une stratégie marketing pour chaque pays visé. Il est donc indispensable pour ces entreprises de trouver un dénominateur commun qui caractériserait leurs stratégies marketing. Il est en fait ici question de déterminer les caractéristiques de son produit ou service qui font le plus échos positivement à la marque France et ce dans un large groupe de marchés visés.
3. Quelles étapes avant de pouvoir tirer profit de la marque France ?
Voici les étapes à suivre pour une entreprise avant de pouvoir tirer profit de la marque France à l’export :
Mon produit est-il authentiquement français ?
Le cas échéant, comment réconcilier délocalisation (par exemple assemblage hors France) avec ma stratégie de positionnement en général et une communication cohérente Made in France en particulier ?
Compréhension et maîtrise de la marque France
Appréhender les caractéristiques positives et négatives associées à la marque France ;
Identifier l’image de la France sur son secteur d’activité ;
Identifier l’image de la France dans le pays / la région visés ;
Prendre note des incohérences et contradictions.
Confronter son produit/service à la marque France
Déterminer si sa cible est influencée par « l’effet du pays d’origine » ?
Définir les caractéristiques de son offre qui seraient en accord avec l’image positive de la France dans le pays visé ;
Déterminer les caractéristiques de son offre qui seraient en accord avec l’image négative de la France dans le pays visé.
Trouver la stratégie adaptée
Adapter son produit/service à la marque France ;
Contourner les préjugés négatifs ;
Trouver un dénominateur commun qui permettra de décliner sa stratégie export dans le plus grand nombre de marchés possible.
4. Pour aller plus loin
Philippe LENTSCHENER, Marque France, Juin 2013
Catherine BECKER, La marque France vue de Chine, 2011
Françoise BONNAL, Comprendre et gérer la marque France, 2011
Suzanne LYN, Country-of-origin, animosity and consumer response : Marketing implications of anti-Americanism and Francophobia, 2008
Proposition Paper Comment une entreprise peut-elle tirer parti de la marque France (version PDF)